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Poésie en Ville face à la pandémie

Même avec des masques sur les visages, les poètes n’ont pas dit leur dernier mot. 2020 a marqué une année de crise pour les acteurs culturels. Avec la pandémie, plus que jamais, ils ont été soumis à la satellisation, mais cette situation a aussi apporté son lot d’adaptations, de réorganisation et de créativité. Dans cet entretien, retrouvez l’expérience de Philippe Constantin, programmateur du festival Poésie en Ville et coordinateur aux Bains des Pâquis à Genève.

2020: une année inattendue pour votre festival. Comment avez-vous vécu les bouleversements qui ont accompagné cette année? Dans quelle mesure l’organisation de votre festival a été affectée?

À savoir en premier lieu que nous organisons deux manifestations différentes de poésie. La première, nommée Apéros Poétiques, qui s’est muée dès le 21 mars 2020, en Poésie en Résistance, se déroule à raison de deux ou trois lectures par mois toute l’année. La seconde, Poésie en Ville, manifestation bisannuelle, concentre un grand nombre d’événements sur quatre jours seulement.

Concernant la première de nos manifestations, le changement a été brutal, puisque la situation sanitaire nous empêchait de continuer nos activités de façon traditionnelle. Fermés le 14 mars, les Bains ont immédiatement réagi en proposant chaque semaine une lecture en direct sur notre page Facebook, et ce dès le samedi suivant.

Concernant Poésie en Ville, nous sommes un peu passés entre les gouttes, dans la mesure où cette manifestation s’est déroulée le dernier weekend de septembre. Ainsi, tous nos invités ont pu venir, y compris ceux de l’étranger. Ce festival se déroulant en public, nous avons dû être attentifs à la jauge et restreindre parfois, au vu de l’affluence, l’entrée à des spectateurs. Autres petits désagréments, mais si peu au regard de pouvoir réaliser le festival, la prise des coordonnées de tous les spectateurs et l’obligation de leur demander de se désinfecter les mains ainsi que de porter le masque.

Quelles ont été les alternatives envisagées et mises en place?

Comme dit plus haut, nous avons immédiatement mis en place ces rendez-vous hebdomadaires sur notre page Facebook, puis sur YouTube, plus tard. Toutes les lectures se sont faites in situ, en présence de quelques personnes (auteur bien évidemment, organisateurs, caméraman, etc.) et suivies d’un moment de partages, autant culinaires qu’intellectuels.

Pour Poésie en Ville, nous n’avions envisagé aucune alternative, certains que le festival pourrait se dérouler. La question de réaliser des streaming, en plus des spectacles vivants, s’est cependant posée un instant. Notre choix s’est porté plutôt sur une parole fière et droite dans ses bottes, confrontée aux spectateurs seuls.

De manière plus personnelle, quel a été votre rapport à la poésie en ces temps incertains?

Pour moi, la poésie est enfin entrée en résistance, essentiellement durant le premier confinement. À sa façon, le monde entier était devenu poétique: le paysage, le ciel, le silence, jusqu’à notre petit phalanstère de résistants qui vivait en toute liberté au milieu d’une ville morte. Sans doute le bonheur des îles et l’insouciance qu’elles provoquent, mais en nous forçant à radicaliser la parole, avec la croyance peut-être, comme nous l’avions évoqué lors de l’édition 2018 de Poésie en Ville, que oui, la poésie sauvera le monde…

Quels sont vos projets pour les prochains mois ou années?

La question du numérique nous a semblé donner un fantastique élan à la poésie. De trente ou quarante personnes qui assistaient auparavant aux lectures, les événements sur Facebook comptabilisent chaque fois plusieurs milliers de vues. Chiffres bien sûr à pondérer puisque la majeure partie des spectateurs ne font que glisser quelques secondes sur la vidéo. Néanmoins, les statistiques nous montrent un fort engouement pour ce média.

Dans ce contexte particulier, nous avons également changé le format des performances. Au lieu des 40 ou 45 minutes que nous demandions auparavant, nous avons demandé aux auteurs des lectures de dix, quinze ou vingt minutes. Ce format très réduit a l’avantage d’être très dynamique et permet à l’internaute de suivre sans problème toute la durée de l’événement.

Pour l’anecdote, invité à lire en octobre dernier à Paris, au festival de la Goutte d’Or, l’organisateur avait opté (par obligation organisationnelle) pour des formats similaires. Le résultat en était époustouflant de vivacité et de diversité.

Sous quelle forme pourra-t-on découvrir votre festival en 2021?

Aussi longtemps que le confinement dure, nous continuons avec cette formule courte et une retransmission en direct (plus l’archivage) de toutes les lectures. Quand la possibilité d’organiser des événements publics sera à nouveau possible, nous espérons pouvoir pérenniser la captation vidéo en plus de la performance publique.

Pour le festival de Poésie en Ville, nous n’imaginons pas d’archivage, mais voudrions continuer à privilégier, en partie, des formats courts, autant pour la dynamique que pour pouvoir donner la parole à plus de voix, tant le terreau poétique d’ici et d’ailleurs se révèle chaque jour plus conséquent, plus riche, plus diversifié, faisant éclater la langue dans ses tous ses aspects, dans toutes ses sonorités et dans toutes ses formes.

Photographie: © F. Longree

Propos recueillis par Sandra Willhalm


Retrouvez toutes les lectures en direct proposées par les Bains des Pâquis ici.

Pour (re)découvrir le programme stimulant de Poésie en Ville 2020, cliquez ici.