Le 21 et 22 mars 2024, au château de Dorigny, se déroulera le colloque Au prisme de la métaphore: repenser l’interaction entre philosophie et poésie. Il se centrera pendant le Printemps de la poésie sur la métaphore pour explorer la relation entre les deux disciplines. Entretien avec les organisateurs Melina Marchetti et Philip Mills (doctorante et postdoctorant à l’Université de Lausanne).
Morgane Heine: Vous organisez, le 21 et 22 mars prochains, un colloque international à l’université de Lausanne sur les liens entre la philosophie et la poésie. En quoi leur relation mérite-t-elle d’être repensée ?
Melina Marchetti et Philip Mills: Philosophie et poésie sont souvent opposées de manière un peu radicale. La philosophie participerait du concept, la poésie de l’affect ; la première de la raison, la seconde de l’émotion.
Or, les relations entre ces deux domaines s’avèrent bien plus complexes, et donc bien plus riches, que ces oppositions sommaires ne le suggèrent. De nombreux philosophes sont également poètes, et inversement, soulignant une certaine complémentarité entre ces pratiques – pensons par exemple aux Romantiques allemands comme Novalis ou, plus récemment, à la philosophe Hanna Arendt. Au sein même des discours philosophiques, une dimension poétique est en outre facilement remarquable, chez Nietzsche par exemple, ou même chez Platon, qui pourtant bannit certains poètes de la cité idéale. Mythes, symboles et procédés poétiques, entre autres, sont des composantes essentielles de la pensée philosophique, particulièrement fascinantes à analyser. De même, les poèmes contiennent souvent une perspective philosophique, qu’elle soit explicite, par leur envergure métaphysique notamment ; ou implicite, par la réflexivité mise en jeu dans la pratique poétique, chez Dante, Mallarmé, Vinclair par exemple.
M. H.: Quelle place occupe la métaphore au sein de ces réflexions ?
M. M. et P. M.: La métaphore surgit de la relation entre philosophie et poésie à la fois antagoniste et complémentaire. En effet, c’est un enjeu central qui permet de repenser cette opposition en révélant que raison et émotion, concept et affect sont en réalité indissociables. Cette force de la métaphore a souvent été étouffée sous une conception réductrice: celle de figure de style langagière relevant de la poétique. Aujourd’hui, les études montrent que la métaphore couvre un champ plus large et plus complexe, et que son statut dépasse celui d’un simple ornement stylistique. À la fois quotidienne et créative, la métaphore se conçoit désormais dans plusieurs types de discours, allant de la publicité à la poésie, et dans plusieurs médias, avec et par-delà le langage verbal. Ce nouvel ancrage permettra de réévaluer les oppositions entre philosophie et poésie.
M. H.: Comment avez-vous pensé le programme du colloque entre les perspectives philosophique et poétique ?
M. M. et P. M.: Sur la base des nombreuses propositions reçues, nous avons constitués quatre perspectives principales, réparties sur deux jours. Le premier jour, nous nous concentrerons sur une période historique spécifique dans laquelle la métaphore joue un rôle prépondérant, poétiquement et réflexivement: le Romantisme. Puis, nous explorerons le développement de cette relation entre philosophie et poésie, en étudiant la place de la métaphore dans la pensée et la production poétique française du XXe siècle. Le deuxième jour, il sera question du concept de métaphore, avec une matinée consacrée au développement généalogique de la notion de métaphore; et une après-midi dédiée au rôle de la métaphore dans des réflexions épistémologiques et métaphysiques. Une table-ronde conclura le colloque autour du rapport entre théorie et pratique de la métaphore, avec des invités à la fois chercheurs et poètes.
Propos échangés avec Morgane Heine par courrier électronique, janvier 2024.
Plus d’informations sur le site Unil.ch.