Pour ce nouveau volet de la série des entretiens avec les éditeurs de poésie, la maison Héros-Limite nous ouvrent leurs portes. Alain Berset présente le lancement, le parcours, les projets en cours: du livre d’artiste aux traductions récentes de poètes comme Robert Lax. Il livre une partie de son expérience, qui commence et continue résolument en poésie.
D’où venez-vous? Comment agissez-vous pour la poésie au sein des éditions Héros-Limite? Quel a été le parcours fait sur la poésie depuis la création de la maison?
Alain Berset: Nous pouvons dire que la poésie est la colonne vertébrale des éditions. Nous avons tout d’abord commencé par là, via le livre d’artiste. Le projet de départ des éditions était de monter un atelier d’imprimerie, un peu sur le modèle de Guy Lévis Mano, un poète devenu éditeur qui imprimait lui-même ses livres. L’objectif était de faire nous-mêmes nos ouvrages, de les fabriquer, de les publier. Il y avait donc de la poésie parmi ces publications, et il y en a toujours. Le catalogue des éditions est emblématique à ce sujet. À l’époque, nous étions surtout intéressés par de la poésie liée au mouvement artistique Fluxus ou à la poésie minimaliste, concrète. Cela continue encore aujourd’hui. Nous éditons autant des traductions que des textes contemporains. Je me sens éditeur de poésie avant tout; ensuite nous sommes devenus plus généralistes. Dans les douze livres que nous éditons chaque année, il y a toujours une large partie qui est de la poésie.
Où êtes-vous? Comment situez-vous le travail en poésie des éditions Héros-Limite aujourd’hui?
A.B.: Nous continuons toujours dans la perspective décrite, avec les moyens dont nous disposons. Autant que possible, nous mettons en avant de la poésie mais pas uniquement. Nous publions des traductions, dont certaines sont des rééditions, tout comme des auteurs francophones, classiques ou contemporains, tous genres confondus. De façon générale, chez les grands éditeurs, on s’aperçoit que la poésie n’est plus au centre de l’écriture littéraire ou philosophique, comme une forme de renouvellement de la langue. Cela est assez frappant, de manière générale, on a soit des éditeurs qui ne publient que strictement de la poésie, ou n’en publient pas du tout. Nous essayons, de notre côté, de garder un équilibre entre poésie et prose. Bien qu’elle se soit marginalisée, la poésie subsiste bien sûr de façon indéfectible, tant sur les tables de quelques librairies qu’aux travers d’une multitude de manifestations.
Où allez-vous? Que prévoient vos éditions pour ce genre dans les prochains mois? Quels sont vos projets futurs?
A.B.: L’année prochaine, nous prévoyons de sortir une biographie de Cavafy traduite de l’anglais par Eva Antonnikov ainsi qu’un volume d’essais sur la poésie contemporaine de David Lespiau. Nous allons poursuivre la publication des œuvres de Robert Lax traduites par Vincent Barras. Nous publierons aussi un recueil d’Isabelle Sbrissa. Nous collaborons étroitement avec la revue L’Ours Blanc qui s’intéresse aux nouvelles formes d’écriture, versifiées ou non. Par ailleurs, nous participons aux manifestations dédiées à la poésie, bien que celles-ci se soient faites plus rares en raison de la pandémie. Ces événements sont importants pour les auteurs, les éditeurs et enfin les lecteurs, car ils sont des moments de rencontres et d’échanges. Par chance, la manifestation «Poésie en Ville» a pu être maintenue à Genève fin septembre!
Propos recueillis par Sandra Willhalm