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Encourager la poésie dans le canton de Vaud – Entretien avec Nicolas Gyger

Nicolas Gyger, chef de service adjoint et responsable de l’encouragement à la culture au Service des affaires culturelles (SERAC), nous donne un riche aperçu du fonctionnement et des méthodes d’encouragement de la littérature, et plus particulièrement de la poésie. Il évoque les différents soutiens possibles pour les artistes vaudois ainsi que l’importance de donner de la visibilité aux arts.

Chloé Débaz et Elea Osler: Nicolas Gyger, pourriez-vous nous expliquer quel est votre poste au sein de l’État de Vaud et en quoi il consiste?

Nicolas Gyger: Je suis chef de service adjoint du service des affaires culturelles à l’État de Vaud depuis 2004. Mon secteur a pour but d’encourager la vie culturelle et de soutenir les arts vivants, en particulier de manière financière (subventions, aides ponctuelles ou régulières, conventions) pour les artistes et les institutions culturelles, comme des théâtres ou des salles de concert. Il y a aussi l’aspect de la médiation culturelle, c’est un secteur que nous avons développé depuis 2015 à la suite de l’entrée en vigueur de la loi sur la vie culturelle et la création artistique (LVCA).

Pour obtenir des aides, les acteurs culturels, artistes ou institutions nous adressent des dossiers de demande au travers du portail qui se trouve sur le site internet de notre service. L’examen des dossiers se fait par notre service. Pour les aides ponctuelles, des commissions thématiques constituées d’experts externes à l’État se réunissent plusieurs fois par année pour examiner et préaviser les dossiers. Ensuite ces dossiers sont validés par la cheffe du département.

Les moyens financiers proviennent du budget annuel du service composé de 40 % à 50 % de moyens financiers pour les subventions, les aides ponctuelles et les aides institutionnelles, ceci pour un total de 40 à 45 millions par année.

C. D. & E. O.: Quelle est la place de la poésie dans vos activités?

N. G.: La poésie rentre dans le domaine de la littérature et une commission d’experts du domaine se consacre à l’examen des dossiers. La poésie est une forme d’expression dans le domaine de la création littéraire, elle est moins représentée que d’autres formes littéraires comme le roman ou la nouvelle. Cependant, la poésie est une forme littéraire qui revêt une importance pour le SERAC car elle est peu connue, et rares sont les éditeurs qui se lancent dans ce domaine. Plus le secteur est difficile, plus il mérite d’être soutenu, afin qu’il soit représenté, trouve sa place et son public. La littérature, y compris la poésie, ont comme particularité que ce sont toujours les éditeurs qui déposent les demandes de soutien, jamais les écrivains directement. À ce titre, les poètes doivent trouver un éditeur qui les accompagne dans leurs choix, car c’est ce dernier qui va s’atteler à la promotion du livre et de l’auteur. Toutefois, il est difficile parfois pour certains auteurs de trouver un éditeur.

La poésie a sa place aussi dans le département de la formation, de la jeunesse et de la culture, qui englobe l’école obligatoire et post-obligatoire, car celle-ci fait partie du programme en lien avec l’enseignement du français dispensé dans les établissements. La poésie est un art vivant et le canton a de très bons auteurs, même si ce domaine manque de maisons d’édition.

C. D. & E. O.: Comment encouragez-vous la poésie et la littérature dans les écoles?

Le SERAC ne soutient pas de publication spécifiquement pour les écoles. Les gymnasiens travaillent sur les livres déjà publiés. C’est pour cela qu’il faut soutenir la publication de la poésie et sensibiliser les enseignants à choisir d’étudier des auteurs vaudois et romands. La poésie est une matière qui fait partie du programme scolaire; elle fait appel à une certaine sensibilité, et il est important que les élèves soient accompagnés dans la découverte de cette forme littéraire.

C. D. & E. O.: Dans le domaine de la littérature, quels sont les bénéficiaires de votre service? 

N. G.: Il y a trois publics différents. Tout d’abord, il y a l’auteur qui va réaliser un projet d’écriture. Et il y a son partenaire indispensable, l’éditeur. L’édition est un passage nécessaire pour rencontrer les lecteurs et lectrices. Puis l’éditeur et le diffuseur vont promouvoir l’ouvrage auprès des points de vente, des médias et des différents publics.

Notre service dispose de mesures de soutien spécifiques. Il y a notamment la Bourse à l’écriture, mise au concours une fois par année, dotée de 15’000 CHF octroyés à un auteur ou une autrice pour l’aider dans un projet d’écriture littéraire. Nous recevons environ quinze à vingt dossiers, et un est sélectionné chaque année. Nous offrons aussi des résidences d’artistes à Paris, Berlin ou encore au Château de Lavigny en Suisse. Un jury sélectionne chaque année plusieurs dossiers pour des séjours d’un à six mois.

Il y a également des aides à la publication et des soutiens pour que les éditeurs puissent se rendre dans des foires du livre. En parallèle, il y a aussi un soutien pour des manifestations autour du livre, comme par exemple Le livre sur les quais à Morges, le Printemps de la poésie. L’opération Le Roman des Romands dans les gymnases est également soutenu et rencontre un beau succès.

Pour bénéficier des aides cantonales, l’auteur doit être d’origine vaudoise ou être domicilié dans le canton de Vaud. Cependant, en ce qui concerne l’éditeur, il n’y a aucune limite sur son origine ou sa domiciliation. Toutefois, nous ne soutenons pas les grands éditeurs parisiens car ils n’ont pas besoin de subvention au vu du nombre de leurs activités. En revanche, nous soutenons de plus petites éditions comme Zoé, L’Âge d’Homme, les Éditions de l’Aire.

C. D. & E. O.: Quels ont été les derniers soutiens accordés? 

N. G.: Concernant l’aide pour la littérature et la poésie, notre commission, qui siège quatre fois par année, a traité 150 manuscrits et demandes dans le domaine de la littérature, dont une centaine d’entre eux obtiennent un soutien à la publication ou à la diffusion, ce qui est un volume important pour le canton de Vaud. Mais il faut bien admettre que les Romands sont de très bons lecteurs, qui achètent régulièrement des livres et fréquentent les bibliothèques. Récemment, notre service a mis au concours des conventions annuelles sur trois ans pour des éditeurs vaudois. Cela permet à certaines maisons d’éditions, ayant acquis notre confiance quant à leurs publications, d’avoir une sécurité supplémentaire et de ne pas devoir envoyer chaque fois des manuscrits pour examen. Ces éditeurs nous envoient simplement leur programme éditorial annuel ainsi qu’un ou deux exemplaires des œuvres une fois publiées. C’est une manière pour nous de marquer notre confiance dans leurs choix éditoriaux. Deux éditeurs de poésie se sont vus récemment octroyer ce type d’aide.

Au mois de septembre, Le livre sur les quais à Morges offre de belles opportunités pour des rencontres entre des auteurs et leurs lecteurs. Cette manifestation, qui existe depuis une dizaine d’années, est très appréciée du public.

Propos recueillis par Chloé Débaz et Elea Osler

Cet entretien a été mené dans le cadre des validations du Cours/TP Poésie, automne 2021, de la Section de français de l'Université de Lausanne.