enquête #2
1er octobre 2015
D’une manière ou d’une autre, votre poésie est-elle engagée ?
Comment votre travail poétique s’inscrit-il dans une éthique ou une politique ? Y a-t-il un rapport avec des questions politiques, écologiques, sociales ? Que représente le mot « engagement » pour vous ? Toute poésie est-elle forcément politique ? Y a-t-il un arrière-fond démocratique ou citoyen ? A quoi engage votre esthétique alors ? L’engagement prend-il les formes d’une action sociale, d’un militantisme ou de la défense d’une cause en particulier ?
Réponses de : Anne Bregani, Françoise Delorme, Sylviane Dupuis, Eric Duvoisin, Gaia Grandin, Ferenc Rákóczy, Antonio Rodriguez, Isabelle Sbrissa, Pierre Voélin Alexandre Voisard.
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Anne BREGANI
L’accès au langage, parlé, lu et écrit, est une voie royale d’accès à la liberté.
La possibilité, par la langue, cet instrument dont tous usent – et chacun –, de s’ouvrir à la présence de ce qui est, tant intérieurement que dans le monde, est l’exercice même de cette liberté, surtout en poésie, car l’acte du poème est non pas hors de l’usage de la langue, mais hors de ses emplois habituels.
Comme poète, si j’ai un engagement, il ne peut être à l’égard d’une instance mondaine, sociale, politique, économique, quelle qu’elle soit, car cela fait du poète un courtisan, voire un idéologue.
Mon engagement civique, je le vis dans ma vie professionnelle et personnelle.
Il va de soi que toute écriture est un révélateur, a fortiori l’écriture poétique. À la lecture de mes textes, le lecteur n’ignore ni mes pensées, ni ma position politique de fond.
Me laisser traverser par les voix et les rythmes qui me parlent et ne les noter que lorsqu’ils sont là, me tenant, dans la mesure de mes forces, hors de fabrications artificielles, tel est mon engagement de poète. Exercer le discernement nécessaire pour débarrasser ces rythmes et ces voix des sonorités et des slogans qui les parasitent, telle est ma liberté de poète. Creuser en soi jusqu’à la précision aigüe des termes pour parvenir à dire ce qui est présent, telle est mon obligation de poète.
Je vis dans un pays et un contexte où cet exercice, à l’heure actuelle, ne conduit pas en prison. Cependant, je garde en mémoire les propos d’Andreï Tarkovski qui, en URSS, devait négocier chaque mètre de pellicule, et qui, tournant en Suède, prit conscience des pressions commerciales et de l’indifférenciation du monde européen de l’Ouest dit, tiens donc, libre.
Par définition, le poète est irremplaçable et la poésie appelle, en tout un chacun, à se connecter, ou à se re-connecter, à la conscience de son être singulier. Sans autrui, sans la langue, notre instrument commun, le poète n’existe pas. La faculté de poésie est en chacun, latente ou manifeste. Le poète est celui qui choisit de l’écouter et de noter ce qui, par elle, devient visible.
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Françoise DELORME
Choisir de s’engager ou de ne pas s’engager est impossible.
Être engagé est une condition de l’existence, même de celle d’une pierre. L’existence humaine est plus sensible à ce phénomène, car nous sommes des êtres parlants qui pouvons en être plus ou moins conscients, alors plus ou moins rétifs aux conséquences qui en découlent.
« Depuis toujours déjà » (titre d’un livre d’André Frénaud), chacun continue de naître en « s’engageant » dans ce qu’il perçoit comme différent de lui, qu’il doit se concilier et/ou auquel il doit se confronter. Et ce jusqu’à la mort.
Même si certains croient ne pas être pris dans leurs gestes ou ceux des autres ils inventent aussi le monde dans lequel ils vivent, sans retour possible, sinon un retour sur soi que permet justement la réflexion ou la méditation esthétique. Quel que soit le type d’action ou de passion, il en est ainsi. Impossible de ne pas avoir fait ou dit ou écrit quelque chose qui construit ou détruit le monde qui nous crée plus que nous le créons, monde naturel et humain si nous restons dans ces catégories. Je ne porte pas ici de jugement positif ou négatif sur ces deux mots, construire et détruire. Ce jugement serait très nuancé et dépendrait d’un nombre conséquent de paramètres, géographiques, historiques, politiques aussi bien sûr.
Impossible de se défiler, de surseoir, de s’échapper. Ou plutôt, s’échapper (ou croire l’avoir fait ou pouvoir l’imaginer) est un engagement particulier qui donne une forme au réel de chacun, mais influe aussi sur celui des autres personnes et sur le monde dans lequel nous vivons (y compris le monde dit naturel), puisque tout est interdépendant.
Chacun doit en répondre, et s’il n’y répond pas, c’est encore manière de répondre…
La poésie donne un statut singulier à celui qui la pratique puisqu’un de ses engagements arrive avec, dans et par ses arrangements de mots : ceux-ci tentent de gauchir les modes langagiers convenus qui nous encodent et nous ôtent la liberté qui peut naître de notre « obligation à l’expressivité » (selon Stanley Cavell dans Dire et vouloir dire, Cerf, 2009). En effet, le poète plus que quiconque (mais aussi comme quiconque) s’expose au sens, qui l’oblige.
A cause de l’engagement même, je ne vois pas bien et je ne comprends pas facilement ce que j’écris et ce que j’écris meut et émeut. Les autres, parfois, s’ils sont accueillants et à l’écoute, peuvent tenter de saisir ce qui arrive, émettre des points de vue, continuer le processus du sens, agrandir la conscience.
Il me semble que s’il y avait un surcroît d’engagement à endosser, ce serait que le poète accepte la responsabilité que donne toute pratique esthétique et réponde à toute proposition de discussion sur ses intentions, fussent-elles confuses et même encore inconnues au moment de parler (pour toujours en partie insituables).
Peut-être même faudrait-il réactiver le désir d’une réelle relation critique, consciente de l’interdépendance permanente des efforts humains, engendrer le besoin impérieux d’un « pacte critique ». Ce n’est pas assez le cas aujourd’hui, probablement à cause d’une conception très autarcique et présomptueuse de la liberté individuelle qui pose problème dans tous les champs d’action et va jusqu’à entraver la vie démocratique même qu’elle croit au contraire nourrir (Marcel Gauchet, La Démocratie contre elle-même, Gallimard, 2002). Si un poète peut avec ses poèmes prendre part au sens politique, ce serait ainsi, en acceptant pour soi la responsabilité de l’expression, en jouant (dans tous les sens de ce terme) ce qui arrive avec les mots du poème dans le grand chaos des relations humaines, pour renouveler l’étonnement.
En écrivant les mots « pacte critique », je me rends compte que ce qui me paraît le plus juste, c’est lorsque le poète tente une impossible cohérence entre toutes les questions qui le taraudent (poétique, esthétique, morale, philosophique, politique) pour en inventer une plus exacte qui diffuse sa puissance dans les poèmes et dans la manière d’être au monde de la personne même. Il me vient deux noms exemplaires parmi la myriade de poètes qui peuplent l’agora intérieure: André Frénaud dont le souci de cohérence me tient toujours en éveil et Sylviane Dupuis (elle écrit aussi du théâtre et des essais critiques, ce qui complexifie les résonances et les interférences entre les types de discours, mais la poésie resterait première).
Être humain est un rêve plein, composé d’un désir de toute-puissance et d’un constat d’impuissance, clos sur lui-même. S’engager pourrait alors vouloir dire ceci : tenter d’être un peu plus présent au monde pour creuser ce rêve, déformer les chaînes qui l’enserrent, qui nous étranglent et que nous savons si bien forger. La poésie en particulier pourrait grignoter sans cesse, un peu, ce que Christa Wolf [1] appelle une « tache aveugle », de manière à provoquer des fêlures, à donner de l’air, à percer des dégagements pour que naissent ou renaissent une marge de manoeuvre, un espace dans l’opacité de nos actes et de nos dires.
Découvrir un peu de clarté pour que choisir ne soit pas un mot qui n’existe pas serait-il notre lot ?
[1] « Peut-être nous incombe-t-il cette tache aveugle, qui semble être située au centre de notre conscience et c’est pourquoi nous ne pouvons la remarquer, de la réduire peu à peu à partir de ses bords, afin d’obtenir un peu « plus d’espace » qui devienne visible pour nous, qui devienne nommable […] mais le voulons-nous en fait? Pouvons-nous le vouloir? » Christa Wolf, Ville des anges, traduit par Alain Lance et Renate Lance-Otterbein, Paris, Seuil, 2010
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Sylviane DUPUIS
La poésie ne peut qu’être humainement engagée. Un poète ne peut pas ne pas exploser de la douleur du monde. Comme tout vivant, comme tout artiste, il est « embarqué » dans l’existence, ici et maintenant, et ne peut se dissocier ni de son temps ni des réalités qu’il affronte, à quoi sa subjectivité répondra de manière souvent exacerbée, en inventant dans le meilleur des cas une ou des formes nouvelles dans la langue pour répondre à un temps inédit, à ce moment particulier de l’Histoire qui est celui de sa propre expérience du monde et des formes. Car il s’agit de répondre au présent – et non de répéter les formes vieilles, ou de fuir le réel.
Mais que signifie « engagée » ?
La poésie est d’abord un travail dans la langue, qu’elle pousse en quelque sorte dans ses derniers retranchements ; et une forme de pensée. Elle creuse le silence et l’impossible à dire jusqu’à leur arracher son butin – ce qui exige de ses lecteurs un acte de lecture lui aussi engagé ; et de combler les vides. À moins donc de se vouloir militante, de se mettre au service de la défense d’une cause – ce qui est rarement compatible avec l’art en général, et le semble moins encore en ce qui la concerne (et pourtant il y eut, pour prouver le contraire, Neruda, Lorca, Eluard, Maïakowski ou Glissant, il y eut Akhmatova, ou plus près de nous, Alexandre Voisard et son grand poème scandé), la poésie de notre temps se définirait (face au roman, ou plus encore face au théâtre) comme inactuelle – pour reprendre le terme à Jaccottet. Et tout particulièrement en Suisse romande, où « nous héritons fatalement de cette scission entre poésie lyrique et poésie engagée » (Antonio Rodriguez, Viceversa, n° 5, 2011, p. 23). – ce d’autant plus qu’on s’y méfie traditionnellement de tout engagement politique en littérature…
Qu’est-ce à dire ? Je crois que ce parti pris de l’« inactuel » est en partie un leurre, j’y vois l’indice (d’ordre inconsciemment idéologique) d’un déni ou d’un aveuglement devant la nécessité, pour toute poésie, d’être réponse à l’actuel (même par détour) ; et en même temps il me semble que ce mot tente presque désespérément de désigner, aujourd’hui que la poésie ne saurait plus, sans anachronisme, se voir qualifiée de « tâche spirituelle » (Mallarmé), cette dimension autre qui confère à son chant, à sa parole, depuis l’origine – et jusqu’à Paul Celan ou Novarina (même si elle est désormais réduite à presque rien, et regardée avec commisération ou ironie par le matérialisme contemporain !), un statut particulier dans la langue et l’élaboration du sens humain. De Delphes des trois fois – qui témoignait des ruines du divin – à la soif tant spirituelle que charnelle qui porte Creuser la nuit, et du Poème de la méthode, qui cherche l’issue au-delà de la tabula rasa du XXe siècle et de la traversée de la mort, à ce que j’expérimente sur le site de poesieromande.ch, c’est à cette exigence à la fois de résistance au néant et d’invention spirituelle ou de métamorphose, que j’ai, pas à pas, tenté à ma manière de répondre…
L’« engagement » de la poésie : à la fois un engagement dans la parole et dans le siècle – mais qui transite par soi. Là où le théâtre – plus directement politique – biffe le « je » de l’auteur au profit d’une dialectique des personnages, et de l’acte public et collectif de la représentation, la poésie – que je pratique en alternance avec lui – est (pour moi) expression du sujet le plus intime (et donc souvent le plus douloureux, ou le plus hanté par la blessure, qu’elle soit personnelle ou non : je pense aux Figures d’Egarées) – mais expression trouée, elliptique, et tournée vers des lecteurs qui auront à entendre au-delà de ce qui est dit et à prolonger en eux le cri, le chant, la révolte ou l’aporie…
15 août 2015
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Eric DUVOISIN
Les petites filles d’Ossip
S’approprier le langage, lui redonner une densité, faire sortir son suc – contre la désincarnation d’une communication utilitaire, techniciste, mercantile. Ce refus d’une parole standardisée, ce désir d’une parole qui vibre, qui est souffle et assise, et le travail sur le matériau-langage nécessaire pour la réanimer : à sa manière, oui, c’est déjà un acte « politique » de prise de parole, une promesse de suivre sa propre ligne, pour en faire don à autrui.
Ici, rien à voir avec des positions politiciennes : à mon avis, la poésie est à l’étroit dans le cadre d’un programme de parti. La poésie tire bien sa substance, ses nerfs, sa vitalité du présent, donc aussi de l’actualité de la Cité, mais transmue ce matériau en émotion universelle. Les textes que j’ai écrits ces dix dernières années sont tous influencés, orientés, à un degré ou à un autre, par un contexte, un climat public émotionnel : celui par exemple où des rues, des gares, des arrêts de bus se sont couverts d’affiches xénophobes. Où certains discours sont devenus dominants, comme assurés et repus de leur pouvoir. Si mes textes n’abordent pas directement ces faits, comme motifs ou thèmes, il y a cependant quelque chose qui remue dans le ventre, de l’étonnement, de la colère contre l’injustice ou la recherche insatiable du profit, mais aussi de l’amusement et parfois de la joie – et cela, cette humeur, imprègne mes mots et donnent aux textes une tonalité. Décrire un corps, évoquer un paysage, selon ce que l’on dépose entre les lignes, est aussi un acte politique.
Dans le corps même de la langue, comment inscrire la destruction éclatée du monde ? Comment encore parler du paysage quand le monde se délite, ou qu’un grand nombre de nos semblables sont jetés sur les chemins ? Un poète, un citoyen, un militant ? Certainement tout cela en même temps ! Je voudrais croire que les mots sont des actes, qu’ils ont le pouvoir d’atténuer la violence, les inégalités, l’horreur du monde. Entre foi et le plus souvent doute, je me balance en équilibre précaire sur ce point d’interrogation. Un poème, est-ce un geste, un fait, une action ? Reste-t-il lettre morte s’il n’est pas au minimum prolongé par une voix – toucher autrui, le mettre en mouvement ?
Je pense souvent à ces poèmes d’Ossip Mandelstam, sauvés de l’oubli grâce à la mémoire de sa femme Nadejda et qui, près de 30 ans plus tard, refont surface. Il faut bien un lecteur au moins pour porter plus loin la parole, pour assurer sa transmission. À l’heure de la société globalisée et des médias de masse, la voix de la poésie semble inaudible ; elle est condamnée aux marges, sa voix tranche. Elle continue pourtant à manifester avec vivacité sa propre présence, à travers publications, festivals, lectures, performances. En ces temps de consumérisme, on peut presque parler de contre-culture, d’influence souterraine, discrète mais durable.
« Ces lèvres qui remuent sont hors de votre atteinte ». Ce vers de Mandelstam, écrit en exil peu de temps avant d’être déporté et d’y laisser sa peau, a la puissance du témoignage : contre la barbarie (qu’elle soit stalinienne ou néolibérale), la déshumanisation, la tentative d’anéantissement de l’intelligence. Fragile, ne tenant qu’à un fil, qu’à un souffle, ce vers courageux témoigne du pouvoir subversif de la poésie ; il lègue aussi aux prochaines générations – nous – un message d’espoir, une incitation, s’il le faut, à la désobéissance civile. Les révolutions, arabes ou futures, sont et seront les petites filles d’Ossip.
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Gaia GRANDIN
La clandestine écailleuse
pense comme pense une feuille
sur un arbre, comme pensent la lumière et l’ombre
comme pense l’écorce luisante,
comme pensent les nymphes derrière
l’écorce, comme pense le lichen
sur un peu de bois pourri,
comme pense la clandestine écailleuse
Inger Christensen, alphabet, Paris, Ypsilon éditeur 2014.
Je pourrais me contenter de répondre par un « oui » ou un « non » rapide à la question « d’une manière ou d’une autre, votre poésie est-elle engagée ? » et laisser mes doigts quitter le clavier blanc. M’éloigner. Tourner le dos. Ce serait déjà une prise de parole par le silence. Une parole en négatif.
Toute prise de parole, ou non prise de parole, est une forme d’engagement. Un engagement de soi à l’autre. Et le désengagement vis-à-vis de notre société est également une forme de prise de position. Je pense que les termes « engagement » et « être engagé » sont finalement assez vides de sens. On n’a pas d’autre choix que celui d’être engagé si on accepte la vie qui s’offre à nous. écrire, et plus généralement être créateur, par contre, c’est se manifester, c’est être au monde et se positionner dans ce monde. La question est-elle peut-être plutôt : est-ce que la poésie, et plus généralement toute forme d’expression artistique, est compatible avec un activisme et militantisme politique ?
Pour répondre à cette question, il faudrait déjà pouvoir définir ce qu’est la politique. Rien d’autre qu’une structure qui permet à chacun de nous, en tant que membre d’une société, de vivre plus ou moins convenablement en communauté. La politique aujourd’hui, c’est aussi et surtout un commerce juteux et dégoûtant. Quand j’entends sur les ondes radiophoniques qu’une nouvelle plateforme contre la corruption existe, j’ai envie d’y dénoncer le lobby. Quelle différence finalement, entre lobby et corruption ? Quelle différence entre militantisme et propagande ?
À mes yeux, discours politique et poésie ne font pas bon ménage pour la simple raison que la poésie n’est pas le lieu où une parole obtuse et autoritaire, celle régulièrement employée en politique, doit se déployer. Et souvent, une poésie sans qualité s’est cachée sous le couvert d’un engagement politique, engagement opportuniste lié à l’actualité. Mais certains poètes parviennent admirablement à lier poésie et engagement. L’engagement d’Inger Christensen face à la vie, au monde, est exemplaire, quand elle fait, dans son recueil alphabet paru en 1981, une liste méthodique, poétique et alphabétique du monde (le premier vers en « a » : les abricotiers existent, les abricotiers existent) avant de détruire sa création par :
la bombe atomique existe.
La poésie, comme toute activité esthétique, est une contemplation du monde dans sa totalité. Elle ne cherche pas à expliquer, seulement à faire voir, entendre, percevoir, sentir, vivre « quelque chose » de plus. Elle dit le vide qui nous habite créant ainsi un écho, une vibration, entre elle et son lectorat. Elle dit cette vibration que d’autres ont appelée « secret » ou « feu », et qui est sous nos yeux, à portée de main, mais nous échappe continuellement. Ecrire un poème, c’est croire et faire croire en ce mystère, croire et faire croire de le toucher enfin. Et une fois effleuré, goûté, il n’en reste qu’une sensation furtive en nous, arrière-goût amer ou sucré, tonalité, couleur, impression vibrante. Cette vibration attend d’accueillir la couche suivante, ces strates d’émotions, d’expériences qui constituent la vie du poète et du lecteur. Et le regard qui cherche toujours plus, toujours plus loin, le secret, le mystère qui déjà galope trop loin au-devant de nous, n’est pas le mien, mais le nôtre. Ainsi, je pense, la poésie contribue toujours à permettre de vivre une vie convenable en communauté.
La poésie est un langage dans le langage. Elle tente de tout formuler (ou de formuler le tout) au-devant de la compréhension (de ce tout). Elle n’est pas une activité désuète et poussiéreuse, elle dit la vie, le monde, la résistance qui nous habite.
Le parler politique de nos jours est bien trop souvent désincarné, absent, plat, unilatéral. La langue est mise au service d’une lutte pour le pouvoir. Mettre la poésie au service d’un tel discours politique signifierait charger d’intention mon poème, or ce n’est pas ainsi que je travaille.
Non, quand j’écris, je ne me fais pas le porte-parole d’un parti politique. Oui, quand j’écris, c’est bien une révolte qui a lieu en moi.
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Ferenc RAKOCZY
De l’engagement poétique vu comme une amitié
Depuis la publication d’Éoliennes, un livre poétique qui tourne presque exclusivement autour de la prise de conscience de l’impasse environnementale dans laquelle nous nous trouvons, on me pose souvent la question de mon engagement : est-il esthétique, politique, ou simplement citoyen ? Il me semble, évidemment, que c’est tout cela, en même temps. Mais la spécificité du poème est de chercher à incarner ce tout cela dans un langage qui lui soit propre (un chant) et qui sache toucher la sensibilité du lecteur.
On l’oublie trop souvent, le lecteur s’engage autant que le poète, lui qui pousse la générosité à consacrer quelques instants de sa vie pour aller voir de l’autre côté, en sa compagnie. Car le lecteur, à la fin de son expérience de lecture, n’est plus séparé du poète, mais relié en amitié avec les choses qu’ils ont effleurées ensemble, dans cette méditation du monde où s’incarne notre commune humanité.
Ceci posé, je suis donc un poète engagé, et qui n’a pas honte de le dire. Mais parce que nous sommes humains, l’engagement peut vite se transformer en bannière, en raison de vivre, en assujettissement. Alors, pour rester engagé, d’une certaine manière, il faut accepter de se désengager. Comment ? Peut-être en choisissant de demeurer sur cette rive, au plus bas des mots, parmi mes semblables, simple témoin, rien de plus. Poésie d’observation, éventuellement consignement d’une vie psychique – la mienne, la seule qui me soit accessible et à laquelle je puisse me référer sans mentir – voilà des termes dans lesquels je peux me reconnaître.
Si le poète veut descendre dans le profond, il est lourd et se noie. Il perd l’amitié de son lecteur. Il perd ce qu’il a de plus précieux. C’est le superficiel qui nous trouble peut-être le plus. Mon engagement, au fond, a le nom de légèreté. On a le droit de flotter. Car c’est à la surface de ces eaux que nous serons amis, le lecteur et moi. À qui faire ces confidences et ces réflexions, si ce n’est à un ami ? Je n’écris pas pour polémiquer ou par goût d’une supériorité quelconque ou pour le désir vain de me survivre. J’écris pour rendre témoignage de ce que j’ai vécu, de ce que d’autres ont pu vivre et vivront sans doute après moi.
Éoliennes, qui est peut-être celui de mes livres auquel je tiens le plus, tourne intégralement autour de l’idée que tout est lié, cyclique, fluide comme le vent qui peut tantôt faire virevolter les éoliennes, tantôt disséminer un nuage radioactif – il contient entre autres le journal d’un voyage humanitaire à Tchernobyl. Il nous faut être orientés, sinon nous sommes désorientés. Ami, fais-moi confiance cette fois encore. Regarder et voir, ce n’est pas la même chose. Harmonieux ou non, accordé ou non, l’engagement du poète n’est rien d’autre qu’un appel à l’éveil, ou si l’on préfère, le sens d’un sérieux, d’une responsabilité, d’une désinvolture considérée par un certain biais.
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Antonio RODRIGUEZ
Les poètes sont des bêtes politiques, non des animaux, ils ont la charrue d’un sonnet à tirer, les chants de milliers d’oiseaux à reprendre, des dents de loup qui saisissent la chair de la prose. Une bête survit dans un milieu : parfois la poésie ricane sous les dictatures, tient chaud dans les camps, et même dans nos démocraties ultralibérales virevolte en moucheron sur les best-sellers. Elle aspire son milieu, l’expire, souffle avec lui, fait meute. L’ « espace public », c’est pour les bien-pensants ; tandis que le poète, qui se présente souvent à la foule en agoraphobe, se lèche les plaies devant tout le monde, c’est comme ça qu’il capte l’attention.
À côté de moi, quelqu’un se dit « engagé », prend le porte-voix de la poésie, et vlan (ou slam), balance des mots avec effet larsen, se gargarise d’images assez sages, avec beaucoup de muscles, ça épate, on a tous compris. J’ai plutôt tendance à croire à la puissance des chuchotements, et le poète sait chuchoter mieux que quiconque. Cela ne signifie pas qu’il dit des douceurs ; il chuchote rudement la plupart du temps. Par-delà le bruit de la toile, les interventions spectaculaires, il porte la langue entre ses deux lèvres qui susurrent la matière en rappelant l’histoire des formes, l’histoire des hommes. Au bord du silence, de l’extinction, la poésie suscite le mystère d’une force première, qui émerveille par sa vulnérabilité, et qui convoque justement une puissance dans l’impossibilité de communiquer parfaitement. Je rêve du livre de poèmes comme d’une conque vide (sans le mollusque de l’engagement) où s’entend encore le bruit de l’océan (est-ce le devenir ?), comme une mémoire sombre qui hante, ou un avenir noir pressenti, et laisse percevoir le resplendissant des hommes présentement unis et désunis. Je rythme dans la meute heureuse pour savourer le réel, pris entre deux abîmes du temps.
Même pour dire « politique », j’attends de l’intime, comme une nervure des discours, comme une écorce à laquelle se frotter. Par politique « intime », je n’entends pas l’expression du moi dans la cité, ses aspirations ou ses douleurs (la chanson ou le rap le font souvent mieux que la poésie), mais le plus âpre d’une lutte souterraine ; là où ça sent fort les mots dans le quotidien, car les mots sentent toujours fort, comme le poète. C’est à partir de là que j’écris ma poésie, qui ne parle jamais de politique directement, mais en érige autrement l’acte et le décor. Cette belle langue française, que j’aime par son ampleur, porte, comme d’autres langues, ses souillures anciennes et ses souillures nouvelles ; sa splendeur monumentale me fascine aussi, mais je la convoque, en mon nom barbare, dans ses canalisations apparentes. Le poète inspecte « ça », il est l’orphée-plombier des discours. La poésie se rend là où se répètent les phrases dans la tuyauterie de la pensée, où elles commencent à se putréfier entre semblables. Alors je dis « Europe », je lâche ce mot entre mes livres : ce mot si pur d’idéalité et si proche de l’anéantissement. C’est quand même à l’état sauvage la politique, non ? La poésie devrait y répondre par le trouble et lancer l’appel plus fortement encore. « Europe », je souffle maintenant sur le mot, qui est à bout de souffle, soleil proche de sa nuit déjà, pour voir ce qui tient encore de fraternité entre nous. Poésie donc, et allez voter pour survivre si ça vous chante.
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Isabelle SBRISSA
Écrire un poème, c’est être libre de penser
La poésie qui délie les conventions de la langue, qui en défait les concepts, qui ne prend pas la syntaxe comme règle immuable des rapports linguistiques, qui dénoue ces liens prépensés par la langue et tente de faire naître d’autres liens instables et relatifs à la relation au lecteur, la poésie est cette activité vivante de l’être humain dans la langue.
La poésie c’est être vivants ensemble dans la langue, mouvants, vulnérables, sans rien de permanent en main, avec de la langue qui fuit, qui fuit comme tout ce qui vit.
L’expérience poétique (écrire et lire sont une même chose) nous rend par la pratique du langage à la conscience de la singularité de chaque être ; la poésie, en ce sens, est ce qui permet de faire l’expérience de l’irréductible différence de l’autre et de l’amour, source dans laquelle tout est à (re)vivre et à (re)penser. Tout, y compris le vivre ensemble de la communauté.
Si ma vie a pris un jour le chemin de la poésie, la poésie a ouvert un espace à partir duquel ma vie s’est refondée. Aussi je ne connais pas de manière plus entière d’être engagée dans mon existence que de l’être à partir de la poésie et, entre autres, par la pratique de la poésie.
Parce que ce travail poétique est vivant et libre, il ne s’inscrit dans aucun cadre programmatique, ni politique, ni éthique, ni esthétique.
Je ne suis pas intéressée par la politique au sens de la gestion des affaires de l’État, car celle-ci est prise de nos jours dans un système comportant des partis, des influences d’opinions et des luttes pour le pouvoir, un fonctionnement de cette vie dite politique que je vois comme contraire à la pensée, qui ne peut être à la fois libre et partisane.
Aussi, si dans les poèmes que j’écris la politique peut avoir une place, c’est au sens d’une pensée libre sur le vivre ensemble de la communauté. Ni de gauche ni de droite, mais libre. Un poème libre de penser en langue et libre de repenser la langue ainsi que les cadres qu’elle véhicule. Libre de penser. Penser est un acte qui se fait en langue, c’est donc un acte que je fais seule, comme écrire un poème, et un acte qui m’esseule également. La démocratie est à ce prix : que chacun prenne le risque de penser dans sa langue propre, au risque de se lever seul, singulier au sein de la communauté. La communauté n’est pas un tas, c’est un organisme vivant fait de la coexistence des singularités. Et cette coexistence est dynamique, en transformation ; elle exige, pour garantir sa vivacité, que chacun se lève pour parler ce qu’il est. Publier un poème est une manière de me lever seule et singulière pour dire tout ce que je suis. L’écrire est une manière de découvrir cette singularité.
Quant à l’éthique, il s’agit pour moi d’une pratique, d’un faire, et d’un faire mouvant, qui se définit en situation, et qui est voué à la transformation. Je ne peux rien inscrire dans le cadre de l’éthique, puisque l’éthique n’en produit pas.
Enfin l’esthétique, ou la poétique (pour parler de l’art du langage) : elle non plus n’existe pas comme définition théorique. Ce qui existe c’est l’incarnation singulière et vivante de chacun dans la langue. Ou, pour retourner les choses, ma poétique c’est ma vie. Je pense qu’il existe autant de poétiques diverses que de vies diverses, toutes fluctuantes, contradictoires, et sans hiérarchie entre elles. Comme les espèces animales coexistent, nos poétiques coexistent, elles sont la manière singulière de chaque personne de vivre en langue et de s’y transformer.
Ainsi, écrire un poème c’est aller à ce que je ne sais pas encore que je pense, c’est aller vers un espace inconnu qui s’incarne dans la langue au moment du processus d’écriture. Et s’il arrive fréquemment que la pensée-poème roule ensemble des événements récents, des faits naturels, des notions financières ou économiques, des intuitions sur l’amour, sur le vivre ensemble, etc., elle les tisse en une cohérence dense, souvent contradictoire et surtout non argumentative. Le sens du poème n’est pas à sens unique et ce fait fondamental le rend réfractaire à tout usage militant.
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Pierre VOELIN
J’ai répondu d’abondance à cette question de la poésie et du politique dans l’enquête sociologique qu’a mise sur pied Patrick Amstutz, La Langue et le politique, éd. de L’Aire, 2001, p. 25-31 ; je me contenterai donc de reprendre quelques éléments de ma réponse passée.
Trois remarques, en substance :
I ) Nous vivons dans un pays qui ne reconnaît guère les poètes, tout se passe comme si leur parole n’avait pas lieu – du vent. De sorte que je me tiens autant que possible dans ce vent… Seules comptent ici, nous ne le savons que trop, les habitudes du confort, un confort physique, moral, politique, intellectuel, religieux aussi bien ; l’on s’y tient avec une force digne d’éloge, on les entretient ces habitudes, à n’importe quel prix, l’on en prend grand soin, on les veut de granit, et, en définitive, on leur sacrifie le meilleur des énergies disponibles. L’ordre mondial, c’est-à-dire technocratique et libéral, ajoutons-y la blogosphère, est ici, en Suisse, à son meilleur, l’on ne cesse de nous en persuader, avec raison.
Point de salut pour l’esprit, n’est-ce pas ? On se souvient de ce philosophe qui faisait scandale en soutenant que « la science ne pense pas. » De ce point de vue, celui de la pensée, que dire de cette espèce de déménagement perpétuel auquel nos esprits sont soumis jour après jour ? Nous ne sommes pas hors du monde, adossés à des montagnes immortelles, tels des intouchables.
2 ) Par ailleurs, que dire de nos jours de cette sorte d’ « engagement » au sens particulier de Sartre ou de Camus, à celui plus noble, les armes à la main, de René Char, à celui d’autres hommes, simplement soucieux de sauvegarder en eux et autour d’eux, dans leur pensée même, la simple humanité, un Bernanos, un Montale, un Vaclav Havel : se servir de sa plume comme d’une arme, si cela se peut, défendre des valeurs, prendre ses responsabilités d’intellectuels, cette question que le monde entier nous adresse chaque jour, oui, qu’en dire ? Pour ma part, selon mon expérience de trente ans, à chaque fois que je voudrais prendre la parole, je me heurte à une fin de non-recevoir. Les journalistes veillent. Il faut savoir que des formes de censure s’exercent partout en Suisse, évidemment sous des formes déguisées mais de façon implacable. Le seul fait d’être étiqueté « de gauche » suffit bien à vous museler. Vous êtes hors du consensus national. Toute pensée critique, ici, se heurte à une multitude d’obstacles ; elle signifie votre relégation dans les limbes.
Donnons un exemple ; je ne peux même pas faire passer une lettre de lecteur[1] dans le seul journal censé relayer quelque chose de la vie de l’esprit en Suisse romande, je veux parler du quotidien « Le Temps ». Les milieux économiques, via la foule de ceux qui les relaient et les servent, font bonne garde.
3) Cependant je ne doute pas une minute que là où j’ai droit à une marge d’existence, dans mes livres de poésie, là rayonne une parole, une parole offerte à tous (mais à chacun, en propre, rejoint au cœur de sa solitude fondamentale), une parole d’homme capable de tisser des liens véritables, ces liens que nous devons maintenir et entretenir si nous voulons que l’humanité continue son chemin, serait-ce sur ses pieds d’ivrogne. J’y vois la seule véritable forme de participation politique qui me soit demandée. Le reste est affaire de bonne volonté quotidienne.
Mais le poète que je suis, le poète qui a pour ambition de chercher à guérir la langue elle-même, ne saurait se tenir loin de son frère humain, comme le sut magnifiquement François Villon. Ajouterais-je cette précision : cet « engagement », le mien, avec sa forme singulière, ne saurait se déployer ailleurs que dans une langue, la langue française, et sous un ciel, le ciel européen – l’« Europe aux anciens parapets », son funeste héritage – mais tout aussi bien sa part de lumière.
[1] Je tiens à disposition de tout un chacun mon dernier envoi au journal « Le Temps », une lettre de lecteur, écartée, donc, sans doute pour son insignifiance, elle portait sur la littérature en Suisse romande dans le cadre du salon du Livre de G., une missive que j’ai voulue à la fois sévère et drôle.
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Alexandre VOISARD
Ayant pris connaissance du projet d’enquête selon votre lettre, il me semble nécessaire d’attirer votre attention sur quelques questions de principe personnelles et préalables.
1) Je ne suis pas branché « aux réseaux sociaux » et je n’envisage pas de me résigner à l’adoption de l’internet selon la pression ambiante. Ainsi je crains qu’une contribution de ma part ne soit contrariée par des restrictions techniques.
2) Ce que vous me demandez en termes généraux impliquerait des développements nécessitant un travail d’écriture conséquent (du moins pour moi) pour lequel je ne suis pas disponible.
3) L’essentiel de ce que je pense de l’expérience poétique, je l’ai consigné et rassemblé dans un petit ouvrage paru chez Empreintes, La Poésie en chemin de ronde, 2010. Je n’ai guère à m’expliquer davantage.
Cela dit
Quant à moi, la pratique de la poésie a toujours été une succession ininterrompue d’actes intimes qui ont pu, par certaines incidences, rencontrer des événements dont j’étais témoin mais pas forcément acteur. L’engagement, au sens que vous semblez vouloir lui donner (politique, social) n’a jamais été dans mes projets, même s’il m’est arrivé de commenter des faits, voire de les accompagner par conviction citoyenne et devoir civique. J’ai dû résister et me battre, en son temps, pour ne pas me laisser enfermer dans une posture ou un rôle de « poète national ». Il m’en est resté quelques stigmates. Cette résolution ne m’a néanmoins pas interdit de prendre parti devant les événements mais je n’y ai jamais vu quelque « devoir » que ce soit.
A mon avis – et j’ai tourné longtemps autour de la question – le poète n’a pas d’autre mission que de témoigner en toute indépendance (intellectuelle, politique, matérielle) de ce qu’il voit, sent et comprend des affaires du monde.
Il vous apparaîtra peut-être que ce semblant de « retrait » aurait presque à voir à la « tour d’ivoire » ou à quelque thébaïde. Tant pis. Je suis à l’écoute et m’obstine à traduire les vibrations du monde, devant lequel j’ai les yeux ouverts, en des textes et formules qui, m’ayant traversé de part en part, trouvent au bout de leur travail intime la matérialité de la parole psalmodiée, mâchée, proférée, rugie.
Bien cordialement à vous,
A. V.