Paru aux éditions de l’Aire, le nouvel ouvrage de Xochitl Borel initie un dialogue entre les vivants. Trognes évoque ces arbres à la forme singulière qui témoignent d’un certain rapport entre les hommes et les arbres. Entretien avec Xochitl Borel.
Morgane Heine: Votre dernier ouvrage, paru aux éditions de l’Aire, s’intitule Trognes, et évoque les arbres dont la forme résulte d’un traitement spécifique par l’homme. Que représentent pour vous ces formes végétales façonnées par les humains?
Xochitl Borel: Les arbres nous apprennent la lenteur et la continuité. Ce qui, traduit en facultés humaines, nous renvoie à des qualités comme la patience, la ténacité, la loyauté ; les arbres nous précèdent et nous succèderont. Les trognes, elles, sont un croisement de mondes, entre l’arbre et l’homme. Elles naissent de la relation que d’autres hommes avant nous ont eue avec les arbres. Elles sont des témoins de nos ancêtres, à l’instar des monuments, mais comme les arbres sont vivants, ils ont aussi la capacité de reprendre leur nature végétale, et de ce mélange naît quelque chose de fabuleux, comme un dialogue entre l’homme et l’arbre.
M.H.: Les trognes témoignent des soins apportés par les hommes aux arbres, mais interrogent aussi les répercussions à long terme des actions humaines sur la nature. De quelle manière avez-vous abordé la question des rapports entre les vivants dans vos poèmes?
X.B: De toutes les manières possibles. Ces Trognes sont une déclinaison de ce questionnement, jusqu’à l’écœurement ou la folie, comme je le dis dans un poème.
M.H.: Comment la forme de vos poèmes rend-elle ce rapport aux arbres? Vous situez-vous dans une écopoétique?
X.B: J’envisage un second recueil sur les chapitres de l’acquis concernant le processus d’adhésion de la Serbie à l’Union européenne… Serait-ce de la géopolitico-poésie? Parenthèse mise à part, je me demande ce qu’auraient répondu Ovide et Walt Whitman à cette question. Ecopoétique est un terme qui représente une certaine forme d’activisme. Or le poète ne donne pas de solutions, mais un langage. Plus précisément, je considère que le seul engagement des poètes est celui-ci: formuler un langage au plus près de la vie. Et que justement toute forme d’activisme entrave ce langage. Mais ce n’est que mon avis.
M.H.: Trognes a également fait l’objet d’une collaboration avec le peintre Thierry Droz qui a donné lieu à une exposition dans l’Espace Graffenried. Un enregistrement de vos poèmes lus par Magali Dubois ajoutait une dimension sonore à celles picturale et littéraire. Quels aspects de votre œuvre avez-vous souhaité approfondir à travers cette exposition intermédiale?
X.B: Pour moi, ce ne sont pas à proprement parler des approfondissements, mais des ramifications nouvelles auxquelles je n’avais même pas songé et que j’accueille avec joie. Thierry Droz est un artiste que j’apprécie énormément, tant artistiquement qu’humainement. Il a cette immense qualité d’action que l’on reconnaît à Pablo Picasso. Nous avions travaillé ensemble sur un autre projet, et tout naturellement, il m’a proposé d’en faire un second. Je lui ai soumis ces poèmes ; la semaine suivante, il me montrait trois Trognes nées. C’est aussi lui qui a proposé de les sonoriser, en percussion et en lecture grâce à la voix grave et sensible de Magali Dubois. Je les en remercie.
M.H.: Vous voulez fonder une maison de la poésie en Suisse. Où en est le projet maintenant?
X.B: Il en est quelque part, entre l’éclosion et la croissance, en attente d’un lieu pour pouvoir ancrer ses racines, ceci dépendant des discussions avec les Services culturels et les politiciens en place. Mais la poésie a cet avantage sur la politique: elle n’a pas besoin d’être actuelle ni frénétique. Tout avancera donc dans ce temps différent. En attendant, vous pouvez en savoir plus sur notre site internet.
Propos recueillis par Morgane Heine.