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Enquête 11: l’animal en poésie

Les animaux nous entourent, parfois nous oublions leur présence, pourtant ils font toujours partie de notre quotidien. Ils sont souvent évoqués dans la poésie pour interroger les rapports que nous entretenons avec eux et notre environnement, ainsi que nos différences ou similitudes. Nous avons posé aux poètes et poétesses les questions suivantes: que représentent les animaux pour vous, dans votre vie et dans votre écriture? Comment donnez-vous voix et présence aux animaux dans votre poésie? Offrent-ils un salut, un décentrement, un écart par rapport à l’humain? Sont-ils nécessaires pour mieux considérer notre environnement et les formes de vies?  

Alors que les animaux habitaient le quotidien de nombreuses familles paysannes, il semblerait que ces êtres soient, aujourd’hui, souvent ignorés. Éric Duvoisin rappelle que les animaux sont présents partout autour de nous, mais comme un lointain souvenir. L’animal relève, pour lui, d’«une présence absente, elle hante mon alimentation et mon espace». Dans son écriture, Duvoisin observe, «bouche bée», comment le monde industrialisé traite l’animal. Il constate également l’élan vital du corps avant la parole qui caractérise les animaux, mais aussi les hommes.   

Alain Freudiger nous rappelle également que les animaux ont «cette réputation d’être muets». C’est pourquoi, dans son Bestiaire, il s’adresse directement à eux et les invite à entrer en dialogue avec les hommes. Ces rencontres poétiques ressemblent à celles que nous vivons quotidiennement: «Les animaux nous visitent, et leur présence force immédiatement à la relation, même brève.»   

Dans son haïku-animalerie, Ferenc Rákóczy évoque de quoi relève la poésie à la lumière des animaux: «J’ai toujours perçu les mots comme des espèces d’animaux, êtres animés évoluant dans un état quelque peu parallèle au nôtre». Dans son écriture, la langue écrite devient ainsi le prolongement de notre patte, les mots sont représentés par le chant d’un rossignol, le blanc de la page se montre sous la forme d’un mille-pattes et l’écriture, celle d’une chasse au gibier.

Enfin, Antonio Rodriguez évoque la rencontre avec un signe animal, volant et inattendu. Le martin-pêcheur, apparu à un moment propice, relève d’un «signe fulgurant, comme un trait de couleurs au milieu de ma réalité, comme un enchantement répond aux silences, un signal monté des tréfonds de l’insignifiance». Un oiseau qui apporte du sens lorsque la vie semblait l’avoir perdu, et se tient dans le blanc de la page. 

Morgane Heine