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Option poésie : la nouvelle sélection du printemps

Deux fois par an, le label «Option Poésie» met en valeur six recueils de poèmes nouvellement parus, parmi les plus intéressants des rentrées littéraires francophones, que ce soit dans le champ de la poésie contemporaine ou des grands classiques republiés. Ces ouvrages, sélectionnés par des poètes, des critiques et des universitaires, sont mis en valeur dans toutes les enseignes Payot, notamment par leur présentation dans les rayons des librairies du réseau. Le comité d’ « Option poésie » est composé de Julien Burri, François Debluë, Laurence Desbordes, Antonio Rodriguez et José-Flore Tappy.

 

 

Trois livres de poésie romande

 

Marina Skalova, Atemnot (souffle court), Cheyne éditeur, 2016.

Avec Atemnot (souffle court), prix de poésie de la Vocation, Marina Skalova (née à Moscou en 1988, vivant en Suisse, ancienne élève de l’institut littéraire de Bienne), publie son premier recueil bilingue, allemand-français. Il est sec, beau et inconfortable. Les mots claquent, sans fioriture, avec cette étrange douceur d’une vie blessée, mais debout. Le corps chez Skalova est douloureux, il cherche à résister à un monde qui l’agresse et ne lui laisse que peu de place pour respirer. À découvrir chez Cheyne éditeur.

 

Pierre Voélin, De l’enfance éperdue, Fata Morgana, 2017.

Vingt-six proses brèves déroulent en un calendrier intime les scènes fondatrices d’une enfance paysanne dans les campagnes jurassiennes : terres humides, pluvieuses, non loin des Portes de France. D’une écriture sobre, à la violence contenue, le poète restitue les moments forts d’une vie dont la rudesse a marqué sa mémoire. Nulle mélancolie pour un monde d’autrefois, mais la sensualité panique de l’enfance, et une initiation à l’existence dans son âpreté, sa beauté rugueuse et son intensité.

 

Mary-Laure Zoss, ceux-là qu’on maudit, Fario, 2016.

Des mauvais garçons battent la campagne, cherchent leur subsistance et manient le couteau pour se distraire. Ce sont nos frères, nos «damnés jumeaux». À travers eux, la Vaudoise Mary-Laure Zoss raconte la lutte du langage, insuffisant et lui aussi «éclopé», contre le silence qui le menace. Dans Ceux-là qu’on maudit, chez Fario, sa langue est un flux saisissant, âpre comme de la «neige fumée». Ou comment dire l’effacement avec une langue ample et riche, seul viatique pour se sauver de l’étouffement.

 

Trois autres livres de poèmes

 

Antoine Emaz, Limite, Tarabuste, 2016.

Antoine Emaz (né en 1955) nous donne, avec Limite, un recueil aux confins d’une vie. Les proses des premières pages, obsédantes, rendent compte d’une dérive où les repères du temps, de l’espace et du sens, paraissent se perdre. Les poèmes qui suivent tiennent la sobre, l’implacable chronique d’un désastre. Face à la mort prochaine, le lyrisme n’a plus cours. Le souffle difficile, les mots se font rares. De ce corps à corps avec le temps, les dernières pages suggèrent la délivrance. Elles disent le consentement à l’éloignement du monde comme à celui des mots qui auront été la passion du poète.

 

Mathias Enard, Dernière Communication à la société proustienne de Barcelone, Inculte/Dernière marge, 2016.

Il y a du Cendrars chez Enard, contemporain et arabisant, auteur polymorphe lauréat du prix Goncourt 2015. Membre du collectif Inculte, il livre des poèmes dans une veine épique sans grandiloquence ; simplement une justesse dans ce tour du monde où tout devient image, instantané, entrelacements ; où l’on se cherche et où l’on trouve la « rumeur » de soi, enflant « comme la ville au coucher du soleil ».

 

Pierre Reverdy, Le Chant des morts, Poésie/Gallimard, 2017.

« Il ne faut pas désespérer des racines de l’homme ». En 1948, au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, Pierre Reverdy s’associe à Pablo Picasso pour livrer un ample « chant des morts ». Les éditions Gallimard restituent au format poche le souffle de l’œuvre originale avec l’écriture manuscrite du poète, retravaillée pour l’occasion, et se conjuguant à merveille avec les traits du peintre.